Le 19 Novembre 2018, M. Edouard Philippe a présenté sa stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux nommée “Bienvenue en France”.
Cette stratégie vise à augmenter l’attractivité de l’enseignement supérieur français vis à vis des étudiants “les plus brillants et les plus méritants” venant du monde entier d’après Edouard Philippe. Un des objectifs est d’ailleurs d’accueillir, pour l’horizon 2027, 500 000 étudiants en mobilités contre 320 000 actuellement. Nous pouvons également noter la volonté d’augmenter significativement le nombre de co-diplômes ou d’accords entre établissements afin de favoriser les mobilités.
Pour cela, le premier ministre, a construit sa stratégie sur 3 piliers :
- Améliorer l’accueil des étudiants étrangers ;
- Instaurer une équité financière entre les étudiants étrangers et français ;
- Faire rayonner l’enseignement supérieur français dans le monde.
Améliorer l’accueil des étudiants étrangers :
Simplifier les démarches administratives :
L’objectif est clair, il faut simplifier les démarches administratives pour l’obtention des visas et titres de séjour ! Pour cela plusieurs mesures :
- Faire de la dématérialisation la règle :
En effet le but est de permettre à un étudiant de tout faire chez lui. Pour cela les demandes de visas ou la confirmation du titre de séjour auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) se feront en ligne.
Cependant il sera toujours nécessaire de se déplacer au consulat pour déposer ses pièces justificatives et enregistrer ses empreintes biométriques.
- Harmoniser et simplifier la liste des documents nécessaires ;
- Donner la priorité aux visas étudiants à l’approche de la période de la rentrée ;
- Donner un titre de séjour aux étudiants étant retournés dans leur pays d’origine après avoir obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur français équivalent au Master pour que ceux-ci puissent créer une entreprise ou chercher du travail en France.
Accueillir les étudiants dès leur arrivée :
La volonté est de généraliser les guichets / journées d’accueil des étudiants internationaux déjà organisés dans certaines villes. Pour cela le gouvernement veut créer un label “Bienvenue en France” pour féliciter les universités jouant le jeu de l’accueil et qui s’accompagnerait d’un fond de 10 millions d’euros.
De plus, l’un des objectifs est de garantir à chaque étudiant un “référent” qui l’accompagnera dès son arrivée et l’aidera tout au long de son installation.
Faciliter l’accès au logement :
Pour cela, Édouard Philippe a présenté deux mesures.
La première consiste à traduire intégralement la plateforme “Lokaviz” en anglais. Cette plateforme recense l’ensemble de l’offre de logements universitaires et privés libres dans une région. Sa traduction permettrait donc un accès aux logements facilité pour les étudiants étrangers.
La seconde quant à elle réside dans la création d’une maison des étudiants francophones, d’une capacité d’accueil de 150 places, à la cité internationale universitaire de Paris pour 2020.
Intégrer plus de parcours linguistiques dans l’offre d’enseignement supérieur français :
Il faut développer l’offre de formation en français langue étrangère (FLE). En effet la barrière de la langue étant souvent le premier frein à l’intégration des étudiants, l’apprentissage du français aura pour but de faciliter le quotidien de l’étudiant. Bien entendu ces enseignements ont vocation à être labellisés et reconnus par l’enseignement supérieur.
De plus, il est nécessaire d’augmenter l’offre d’enseignements en anglais. Ceci dans un double objectif : favoriser la compréhension des cours par les étudiants internationaux et permettre aux étudiants français de se perfectionner dans cette langue.
Instaurer une “équité financière” entre les étudiants étrangers et français :
L’idée phare de ce pilier est de demander aux étudiants internationaux hors Union européenne de payer environ le tiers des frais d’inscriptions moyens dans l’enseignement supérieur de ces pays lors de leur inscription en France. Ce qui représente des frais d’inscriptions universitaires de 2 770€ pour la licence et 3 770€ pour le master.
De plus l’autre facette de cette stratégie est l’augmentation des bourses (actuellement 7 000 étudiants avaient accès aux bourse d’études) :
- les bourses d’exonérations : 8 000 étudiants supplémentaires devraient en bénéficier :
- les bourses d’établissements : 6 000 étudiants seraient concernés (celles-ci peuvent prendre la forme d’exonération de frais d’inscription ou d’une aide numéraire).
Faire rayonner l’enseignement supérieur français dans le monde :
L’objectif est de permettre d’exporter les universités françaises à l’étranger en se basant sur des antennes déjà existantes, comme par exemple Sorbonne Université et son exportation à Abou Dhabi.
Pour cela 2 fonds vont être créés :
- un premier de 5 millions d’euros pour soutenir les nouvelles initiatives (l’objectif est d’aider les universités à explorer les possibilités) ;
- un second de 20 millions d’euros afin d’aider à la mise en place de ces projets.
Et l’ANEMF ?
Nous accueillons favorablement la première partie de cette stratégie. En effet nous demandons de plus en plus de faciliter les échanges entre les étudiants et ce en s’appuyant sur le réseau de l’IFMSA dont l’ANEMF est un membre actif. Les démarches administratives pour l’obtention des visas sont actuellement bien trop lourdes et représentent, pour un nombre non négligeable d’étudiants, un vrai frein à la mobilité !
Concernant la volonté d’exporter les universités françaises à l’étranger, nous y sommes globalement favorables. En effet celle-ci s’accompagnera très certainement d’un accès plus facile à des mobilités, à l’acquisition de co-diplômes et de partenariats renforcés entre les universités.
Cependant nous sommes fermement opposés à l’augmentation des frais d’inscriptions pour les étudiants internationaux !
En effet, en plus du côté discriminatoire d’une telle mesure, nous ne comprenons pas la cohérence de cette mesure avec la volonté initiale du projet. Comment allons nous réussir à attirer plus d’étudiants internationaux en augmentant les frais d’inscriptions ? Cela n’a aucun sens.
Aujourd’hui, Campus France le rappelle, les étudiants étrangers représentent un investissement de 3 milliards d’euros à l’Etat français mais également une manne financière de 4.65 milliards pour l’économie française. Autant dire que les fonds nécessaires à l’amélioration des conditions d’accueil existent déjà et ne nécessitent en rien une nouvelle source de financement.
Cette mesure n’aura d’autre conséquence que de fermer des opportunités d’accès à la mobilité pour des étudiants.
Les étudiants, et tout particulièrement les étudiants internationaux, n’ont pas à compenser le manque d’investissement dans l’enseignement supérieur français.
A l’heure où Le Monde divulgue un rapport de la cour des comptes qui préconise une augmentation des frais d’inscriptions pour l’ensemble des étudiants en France, cette annonce est plus qu’inquiétante.
Nous défendrons toujours l’accès à l’université pour tous ! Aucune forme de sélection à l’entrée de l’université ne peut être tolérée ! Nous resterons particulièrement vigilants sur ce point, il en va de nos valeurs et de la vision de l’enseignement supérieur que nous défendons.
Nous rappelons également que l’argument des “efforts de réduction de la dette publique” n’est pas cohérent alors que dans le même temps la mise en place du service national universel a été confirmée.
Alors même que celui-ci se chiffre déjà en milliards d’euros, nous défendons que l’enseignement est le premier vecteur de mixité sociale ! Et ce n’est pas en empêchant l’accès à l’enseignement supérieur français pour les étudiants internationaux les plus pauvres que nous répondrons à cet enjeux majeur !
La FAGE demande depuis des années un investissement d’1 milliard d’euros, soit un quart du budget du SNU, dans l’enseignement supérieur afin de répondre aux problématiques actuelles de celui-ci, y compris en ce qui concerne l’attractivité internationale de nos universités.
L’ouverture sur le monde et les cultures, la non discrimination à l’entrée de l’université, l’émancipation sociale sont autant de valeurs fondamentales de nos formations. Nous avons bien trop longtemps souffert d’études socialement discriminantes, réservées à une classe sociale élevée. Nous pouvons aujourd’hui nous vanter auprès du monde entier d’un système d’enseignement supérieur, outre le fait de son excellence, qui permet à chacun d’avoir accès à la connaissance peu importe son origine sociale.
Cette annonce est un vrai pas en arrière …
Nous refusons catégoriquement toute mesure qui voudrait entraîner une sélection par l’argent à l’entrée de nos études.
Sources :
Rédigé par :
Girard Pierre-Adrien, VP PACES et Enseignement Supérieur
paces.es@anemf.org